Date de publication: 04 novembre 2021 / Santé
Le 9 novembre, le Cambodge fête l’obtention de son indépendance par le Roi-Père Norodom Sihanouk en 1953. En 1996 étaient créés les laboratoires pharmaceutiques PPM. Cinq ans après, le Dr Hay Ly Eang, fondateur de PPM, lançait Confirel, première entreprise agrobiologique du Cambodge. La création de PPM, il y a exactement 25 ans, marque la renaissance de l’industrie pharmaceutique nationale, totalement détruite après les années de guerre et le régime des Khmers rouges. Avant PPM, on ne trouvait sur le marché national que des médicaments d’importation, souvent trop chers pour une grande partie de la population, ou contrefaits et donc dangereux pour la santé publique. Le pays devait retrouver son indépendance sanitaire pour rendre accessible à tous des médicaments fabriqués selon les normes internationales. PPM l’a permis. La création de Confirel répond à la même vision dans le domaine de l’agro-alimentaire.
À l’occasion de la Fête de l’Indépendance, le Dr Hay Ly Eang a été interviewé par de nombreux médias qui se sont intéressés à sa démarche associant entreprenariat et indépendance. Voici ses réponses à une journaliste de Bayon TV.
Vous avez créé les Laboratoires pharmaceutiques PPM en 1996 et Confirel en 2001 pour contribuer à l’indépendance nationale du pays. Pouvez-nous expliquer le lien que vous établissez entre vos deux compagnies et l’Indépendance nationale ?
L’indépendance, c’est, pour un pays, d’être capable de faire les choses par soi-même dans tous les domaines. Le secteur pharmaceutique, qui concerne la santé publique, a été l’un des premiers à se développer après que notre pays soit devenu indépendant en 1953. Il en a été de même pour le secteur agro-alimentaire.
Mais, comme vous le savez, le pays a connu la guerre à partir de 1970 puis en 1975, les Khmers rouges on réduit à néant notre indépendance alimentaire. Malgré cela, le Cambodge a beaucoup avancé depuis. Nous pouvons maintenant exporter du riz et nous produisons assez de médicaments non seulement pour soigner tous les Cambodgiens mais aussi pour en exporter car leur qualité est reconnue dans le monde entier.
Si on revient sur l’histoire de notre pays, on voit bien qu’à l’époque de Jayavarman VII, l’empire était très développé dans les domaines de la santé et de l’agriculture. C’est en nous plaçant dans les traces de ce passé que nous avons avancé petit-à-petit pour les renforcer à nouveau sous la direction du gouvernement royal et faire en sorte que d’autres secteurs suivent le même chemin.
Les Laboratoires PPM ont commencé par produire l’antidouleur Kinal. Pourquoi ce choix ?
Kinal est le premier médicament 100% cambodgien à avoir été produit après l’indépendance du pays. Il a été conçu par le Dr. Kok Sok Kim qui l’a mis sur le marché 5 ans avant son équivalent français. Cela a fait la fierté de notre pays.
Quand nous avons créé les laboratoires PPM, SM le Roi-Père Norodom Sihanouk a été très heureux de redécouvrir Kinal car cela lui a rappelé les grandes heures de l’époque du Sangkum Reastr Niyum. Le premier ministre Samdech Hun Sen lui s’est montré satisfait que nous relancions Kinal car c’était un médicament qu’il se souvenait avoir pris dans sa jeunesse. Donc Kinal symbolise la fierté de la renaissance de la pharmacie khmère pour parvenir à l’indépendance dans le secteur de la santé au Cambodge. De plus, les laboratoires PPM exportent leurs produits, faisant connaitre le Cambodge à travers le monde. C’est aussi un autre motif de grande fierté pour notre pays.
Quelle est la place aujourd’hui de PPM, 25 ans après sa création, dans l’industrie pharmaceutique cambodgienne et sur le plan international ?
Dans le domaine pharmaceutique, PPM, fabrique beaucoup de médicaments différents, en dehors des formules injectables que nous ne produisons pas. Nous sommes reconnus dans le cadre national et international. Nos standards de fabrication sont conformes aux normes exigées par les pays où nous les exportons. Sur les marchés de l’Afrique francophone où nous sommes présents, parmi les 600 laboratoires internationaux qui sont en concurrence sur les produits de la même classe, nous sommes, en 2020, en 18ème position.
Cela montre que nous sommes compétents même si notre pays est petit et pauvre. Grâce à nos ressources humaines et nos connaissances, nous sommes en mesure de présenter nos produits à l’étranger. Cela constitue une contribution très active à notre indépendance nationale et à notre indépendance sanitaire. Mais, il y a plus. Avec nos produits, nous montrons que le Cambodge ne se réduit pas à Ankgor Wat et c’est un honneur pour nous d’y contribuer.
PPM, en dehors de Kinal, quels produits vendez-vous sur le marché international ?
D’abord, il n’y pas qu’un seul Kinal. Comme vous le savez, il y a plusieurs catégories de douleur donc on a plusieurs sortes de Kinal. Puis nous produisons énormément de produits pour les pathologies qui nous affectent dans le quotidien comme des anti diarrhéiques, tel Diaryl, des médicaments contre la toux et les fièvres, etc. Les Laboratoires PPM fabriquent également des produits contre les carences vitaminiques. Mais, ce qui est très important, c’est que nous avons dans notre gamme des produits fabriqués à 100% à partir de plantes de notre pays. Il s’agit de KEM Probiotics.
Pour fabriquer des médicaments modernes, nous achetons des matières premières pour les transformer en produits finaux. Mais pour KEM Probiotics, les matières premières et la technique de production sont 100% khmères. C’est un produit que nous sommes en train de faire connaitre de plus en plus. De grands professeurs soutiennent KEM Probiotics. Grâce à cela, nous exportons 90% de sa production et c’est un honneur pour nous de constater ce très bon accueil à l’étranger. Nous sommes en train de lancer des études complémentaires approfondies pour montrer que KEM Probiotics est un produit fantastique.
Confirel fabrique et distribue des produits alimentaires haut de gamme principalement à partir de sucre de palme, de poivre de Kampot et de fruits. En quoi cela contribue-t-il à l’indépendance alimentaire du pays ?
Un proverbe khmer dit : « On cultive le riz avec l’eau et on gagne la guerre grâce au riz ». A l’époque d’Angkor, le Cambodge pouvait faire trois ou quatre récoltes de riz par an. Notre pays était fort parce que notre agriculture était forte et que, en conséquence, notre santé l’était aussi. La période de guerre nous a fait prendre beaucoup de retard dans notre développement agricole et aujourd’hui nos capacités de transformation sont faibles. On ne valorise pas les produits des campagnes. La mission de Confirel est de contribuer à cette valorisation. C’est pourquoi depuis ses débuts, Confirel a mis au point beaucoup de produits. Et nos efforts ont été récompensés par de nombreuses récompenses internationales, comme, pour notre sucre de palme de biologique Thnot, la médaille d’or au salon Natexpo à Paris en 2005 et le prix du meilleur produit de l’Asean en 2017. C’est un honneur pour nous. Confirel travaille pour que tous ses produits, issus de matières premières exclusivement cambodgiennes, atteignent le même niveau de qualité.
Du point de vue de l’indépendance nationale quelle leçon faut-il selon vous tirer de la pandémie de Covid-19 ?
Avant le Covid, nous étions dans la période de mondialisation des échanges qui a suivi celle de la guerre froide. Pour vivre dans cette mondialisation, chaque pays se doit de produire le maximum par lui-même. Si vous attendez les produits des autres pour les acheter, vous faites tourner l’économie des autres, pas celle de votre pays. Donc la mondialisation nous oblige encore plus à travailler sur la transformation de nos produits de la manière la plus indépendante possible.
La pandémie de Covid a brutalement interrompu les circuits économiques. Elle a entrainé, des manques de matières premières, une augmentation énorme des prix de la logistique et de matériaux indispensables.
Le Covid et la mondialisation nous obligent à réfléchir à la manière de parvenir à notre indépendance dans le plus grand nombre de secteurs possibles. Allons-y petit-à-petit et on pourra atteindre 100%. Mais si nous ne faisons rien, si nous ne créons aucune valeur ajoutée sur nos produits et ne faisons que travailler pour que les autres en fassent, alors notre pays ne pourra pas devenir prospère.